PHOTO : Paul & Junior - Photo Julien Roubinet

Paul Lefèvre
aka "The Son Of Cobra"

ITW & photos: Serena Lutton
STYLISME : /

Nous sommes très heureux de vous présenter et de vous faire découvrir le travail de Paul Lefèvre fondateur du label "The Son of Cobra".

Je suis depuis plusieurs années avec un grand intérêt le travail de Paul. Son univers minimaliste m'a tout de suite parlé. Une identité graphique très forte et singulière ainsi qu'une exigence poussée à l'extrême en ont fait un shaper et un glasser particulièrement réputé et sollicité de Biarritz à la Californie.

Nous avons contacté Paul afin qu'il partage un moment avec nous, ce qu'il a très gentiment accepté. Il en résulte l'interview ci-après que nous vous laissons découvrir.

Nicolas

J'ai réalisé ma première planche de surf avec l'aide du directeur de mon club de surf, j'avais 14 ans...

PHOTO : Paul à l'oeuvre dans son atelier. Chaque pain est sculpté en fonction des détails du projet.
PHOTO : Affiner les côtes, passage après passage.

Bonjour Paul, chez Drapeau Noir on adore ton travail et ton univers et on est ravis de te recevoir ! Peux-tu te présenter rapidement à ceux qui ne te connaîtrait pas ?

Alors, je m'appelle Paul Lefevre, je suis né à Dieppe en Haute-Normandie, où j'ai grandi avant de partir en Belgique où j'ai poursuivi mes études d'art, à St-Luc de Tournai plus exactement. Je vis en ce moment entre la Californie du sud et Biarritz.

Peux-tu nous expliquer comment es-tu devenu shaper et nous faire un résumé rapide de tes expériences (Pukas, UWL, Lucky Bastards, etc..) ? Qu'est ce qui t'as marqué dans ce parcours ?

C'est une longue histoire mais tout a commencé en Normandie où j'ai réalisé ma première planche de surf avec l'aide du directeur de mon club de surf, j'avais 14 ans je crois... Puis de là, une deuxième, puis une pour les potes et ainsi de suite...

Ma première expérience professionnelle a été un stage chez Axel Lorentz à Ahètze. A l'époque, je descendais régulièrement sur Bidart pour les vacances d'été avec les copains. C'est lors d'un de ces séjours que j'ai rencontré Axel et que j'ai commencé à faire des décorations sur les planches.

Une fois mes études terminées, je suis parti en Australie pour un an. J'ai beaucoup bougé sur la côte Est et travaillé pour pas mal de shapers, à la fois sur des décos est aussi sur du glass. De retour en France, j'ai créé les Lucky Bastards avec Tristan Mausse et on a commencé à bosser sur la côte basque pour Axel Lorentz, Blend Glassing, Euroglass puis Pukas. Là, on a fait la rencontre de Matt Biolos, le shaper de la marque de planches LOST Surfboard Factory. Il nous a rapidement fait venir en Californie pour glasser des boards. Ce fût un réel succès ! Après quelques années, nos chemins se sont séparés et je suis reparti en Australie pour bosser avec l'équipe, ou plutôt la famille, d'UWL Surfboards International. Ce fût 2 années incroyables où j'ai pu faire la rencontre de beaucoup de shapers internationaux. Puis, de retour en Californie, je suis retourné chez LOST où j'ai pu partager mon emploi du temps entre la salle de glass et les bureaux de design pour la partie textile. Et maintenant, j'ai créé mon propre label Son of Cobra où je peux mixer shape, glass, et design...

PHOTO : Travail de précision dans la shaping bay.
PHOTO : Un contrôle visuel permanent est nécessaire. Toutes les opérations restent manuelles.

Je shape et glass mes propres boards, de A à Z. C'est peu commun mais c'est le seul moyen d'avoir un produit de qualité.

Quelles sont les figures du surf qui t'ont inspirées et qui t'inspirent toujours ?

Je pense que toutes les rencontres que j'ai pu faire au cours de mes 10 années de glass m'ont, bien sûr, influencées et inspirées. Je pense notamment à des shapers comme Malcolm Campbell, Daniel MacDonald, Renaud Cardinal, Matt Biolos, Axel Lorentz, Jeff McCallum, Neal Purchase Jr, Thomas Bexon et pleins d'autres.

Ton univers est très particulier, minimaliste, peux-tu nous en dire un peu plus sur tes inspirations ?

C'est assez vaste, je m'inspire du design, de la custom car culture, d'art contemporain, de pleins de choses en général.

Quel est ton quotidien de shaper ?

Pour le moment, j'oscille pas mal entre la Californie et la côte basque, je me focus de plus en plus sur mon label "Son of Cobra" et mes commandes sur mesure. Je shape et glass mes propres boards, de A à Z. C'est peu commun mais c'est le seul moyen d'avoir un produit de qualité, une seule et même personne à chaque étape de la production. A côté de ça j'ai toujours quelques projets en collaboration avec d'autre marques, comme des dérives avec Futures, ou encore des chaussures avec Clae, une serie avec Ripcurl, Lost, des snowboards avec Libtech... Je ne cache pas que c'est assez plaisant même si l'emploi du temps est chargé et que je ne suis pas à l'eau tous les jours.

Quels sont les meilleurs / pires souvenirs de ta carrière de shaper ?

Les meilleurs, ils y en a trop : des voyages, des rencontres... Les pires, je dirai glasser une série de boards au Brésil, dans la jungle avec 99% d'humidité... ou une des premières boards que j'ai glassé en arrivant dans les ateliers de Lost aux US où j'ai dû arracher la strat de fibre de verre en prise sur le pain de mousse... et la fois ou j'ai posé un chiffon imprégné d'acétone sur un shape en Eps (Polystyrène), la board a fondu et je venais tout juste d'avoir le job... Ah, et le 14 juillet chez UWL où Thomas Bexon a eu la brillante idée de jeter un feu d'artifice dans la salle de ponçage ou j'étais... bon ça a fini a l'extincteur mais pas de blessé !

PHOTO : Paul maîtrise toutes les étapes de fabrication - seule garantie du respect de ses exigences.
PHOTO : une superbe 5'8 Classic twin au glassage particulier
PHOTO : une 5'6 Classic Twin : Florida Green Stracciatela and Black tail dip.

Tu as une identité très forte et très particulière notamment au niveau des glaçages. Je pense à tes glaçages marbrés. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ta vision artistique et tes inspirations ?

Disons que faire les mêmes choses à répétition m'ennuie, et dans le monde du surf, ça peut parfois tourner en rond. Donc j'aime prendre et passer du temps à chercher et à expérimenter des nouvelles techniques de glass, je trouve que ça me fait avancer et ça casse un peu la routine.

J'ai eu ma petite période noir et blanc mais c'est passé et là je reviens un peu plus à la couleur. Je m'inspire beaucoup des planches des années 70 qui sont pour moi les meilleures années dans le surf, et aussi dans l'automobile !

Mais je les modernise, avec des rocker plus tendus, des bottom shapes plus contemporains, des rails plus bas, des courbes plus actuelles...

PHOTO : un exemple de glaçage typique du magnifique travail de Paul sur un Fish.
PHOTO : L'incroyable 6'2 Hollow single fin - seule planche transparente au monde.

J'ai pensé que surfer une planche transparente pourrait être incroyable

Pourquoi Son of Cobra ?

Et pourquoi pas ?

Tes planches ressemblent à de véritables oeuvres d'art, tes clients les surfent vraiment ?

Alors oui je suis habitué à la réaction " ah mais je ne peux pas la waxer, elle est trop belle", bon c'est une planche de surf avant tout et c'est fait pour ça ! Mais j'ai des clients qui me commandent des planches pour accrocher au mur. Franchement, ce n'est pas mon but.

Parles-nous de cette planche translucide incroyable ? Comment t'es venue cette idée ? C'est la seule planche au monde de ce type non ?

Honnêtement je sais plus, j'ai pensé que surfer une planche transparente pourrais être incroyable, et j'ai commencé à réfléchir à la conception, il y a eu des ratés mais après quelques tentatives la clear board est née.

100% fibre de verre et résine polyester, tout à la main, bon ça reste un prototype car la le coup de production est trop élevé. C'était plus une sorte de performance artistique, et c'est une première mondiale !

PHOTO : Entre proto concept et véritable oeuvre d'art née des mains de Paul - Clear Hollow Single fin.
PHOTO : L'autre passion de Paul - BMW 2002 - 1972 (Californie)

J'ai vu passer des photos d'une très jolie BMW que tu avais retapée et qui as mal fini. Peux-tu nous en dire plus ?

Ah oui, c'était une magnifique BMW 2002 de 1972 que j'ai trouvé en Californie. Arrêtée à un feu rouge, une femme nous est rentrée dedans. Et oui le téléphone au volant...

- Tu es d'ailleurs amateur de voitures anciennes. Avec quoi roules-tu en ce moment ?

Les voitures c'est un peu mon deuxième hobby, parce que bosser dans la surf industry, faire des planches de surf, parler de surf, aller surfer, c'est super mais il faut savoir faire autre chose aussi. J'ai refait une Ford Falcon coupée de 64 quand j'étais chez UWL, inspirée des courses de drags des années 60 aux US. Mis à part les culasses alu c'est period correct ! Un gros V8, une boîte 4 mécaniques, un pont court et ça va vite, très vite, mais uniquement en ligne droite ! A côté de ça, j'ai refait une autre BMW 2002 après notre accident. Une 73 que j'ai trouvé à Los Angeles chez un vendeur de meubles et de canapés. Je l'ai rapatriée en France après quelques tours de circuit à Fontana. Maintenant, j'en profite pleinement sur les routes du pays basque ! Comme en surf ou en shape c'est avant tout une histoire de courbe !

Merci beaucoup Paul !

Pour découvrir l'univers et le travail de Paul sur instagram : @sonofcobra

PHOTO : La superbe Ford Falcon coupée 1964 de Paul.
PHOTO : la BMW 2002 de 1972 à la ligne unique.