PHOTO : MATTHIAS DANDOIS - TAXE CARBONNE

Matthias Dandois
Taxe Carbone

ITW: PIERRE BLONDEL
PHOTOS: PIERRE BLONDEL & MATTHIAS DANDOIS
STYLISME : /

Mars 2019. J'ai programmé un shooting à Lisbonne avec les amis Vince Perraud et Pierre Blondel.

Dans le trajet depuis l'aéroport, les deux m'annoncent : "Tiens, c'est marrant, Matthias est à Lisbonne en ce moment, il termine un film pour son sponsor et il a un peu de disponibilité si tu veux qu'on tente un shooting ?".

Deux jours plus tard, l'affaire est bouclée, nous voilà réunis tous les quatre pour shooter quelques pièces de la collection été.

Matthias fait partie de ces gens qui vous marquent. Au-delà d'être un grand champion au palmarès exceptionnel, j'ai rencontré quelqu'un d'une grande simplicité et d'une grande humanité, constamment soucieux des autres.

En résumé, une belle rencontre !

Cela a été un plaisir de bosser avec lui et surtout de passer du temps à l'écouter raconter son histoire et son parcours de champion.

J'ai eu envie qu'il la partage avec nous. Merci à Pierre Blondel qui a réalisé l'interview.

Nicolas

Taxe Carbone c’est un peu un contre-pied,
il y a beaucoup de gens qui me disent que je prends
trop l’avion et que je “pourris” la planète.

PHOTO : PLUSIEURS MATTHIAS DANDOIS.

Salut Matthias, on sait ton temps précieux, merci de nous accorder quelques minutes. Peux-tu te présenter et résumer ton parcours pour ceux qui te découvrent ?

Salut! Je m’appelle Matthias Dandois, j’ai 30 ans, je suis originaire d’Epinay-sur-Orge qui est une petite ville au Sud de Paris. J’habite maintenant entre New-York et Paris. Je suis huit fois champion du monde BMX Flat. C’est une des disciplines du BMX Freestyle qui consiste à faire des figures sur un sol plat. Aucune rampe n’est nécessaire. Un peu comme du break sur un vélo.
Je fais du BMX depuis 20 ans, j’ai commencé à 11 ans. Au début c’était vraiment pour faire autre chose que du foot. J’en faisais pour faire comme tout le monde, mais je me faisais constamment “gueuler dessus” par le coach.
J’ai cherché un sport avec vraiment de la liberté et c’est finalement devenu mon job: aujourd’hui je suis rider BMX professionnel.
A côté de ça je fais plein d’autres choses à côté, de la photo notamment, mais aussi du mannequinat, j’ai aussi joué dans un film, et enfin j’ai une boite de production avec mon agent. On produit du contenu vidéo, photo pour mes sponsors ainsi que pour les autres sportifs de l’agence. On fait également des podcast qui sortiront très vite!

Ce qui nous attire chez toi c’est le grand écart BMX/Photo argentique, comment on juxtapose ces deux pratiques?

Ce n'est pas vraiment un grand écart, il y a de l’artistique dans ces deux passions. Un côté très terre à terre où il faut du temps pour progresser, savoir tomber d’un trick ou être déçu d’une pellicule qu’on pensait top; pour pouvoir progresser. Il y a beaucoup en commun. 

PHOTO : 'INTO THE UNKNOW' PREMIER LIVRE.
PHOTO : BMX ET PHOTOS ARGENTIQUES.

Je prends des photo depuis que
j’ai commencé le BMX, tout est lié.

On va aborder le sujet de la photo justement, ton premier livre « Into The Unknown » vient de sortir, félicitations! Est-ce que tu peux nous dire quand tu as commencé la photo et ce qui t’a amené à les sortir sur papier ?

Je prends des photo depuis que j’ai commencé le BMX. C’est donc une passion que j’ai depuis très longtemps. Je me suis mis à la photo argentique il y a deux ans par contre. C'est une démarche plus artistique que de simplement prendre des photos avec son téléphone. Mais si tu fais de la photo argentique et que tu ne les développes pas, et qu’elle termine simplement sur Instagram, tu obtiens juste une photo avec du grain dessus.

Je pense que la photo argentique prend tout son sens quand tu as le produit fini, imprimé, dans tes mains. Avec mon ami Michael De Wit on a décidé de faire ce livre/magazine qui s’appelle ‘Into The Unknown’.

Qu’est-ce qui se cache derrière ce titre ‘Into The Unknown’?

‘Into The Unknown’ parce qu’on ne savait pas du tout vers où on allait avec ça (rires).

C’est un projet entre copains: on a imprimé 60 de mes photos argentique et quelques-unes de ses photos digitales. Je suis très fier d’avoir un objet qu’on peut tenir dans les mains, à une époque où tout est ‘cloud’, où tout va rapidement… Avoir un bouquin qu’on peut feuilleter, qu’on peut regarder, quelque chose de réel et concret, je trouve ça tellement intéressant.

Quelles sont tes influences et inspirations?

Alors je ne suis pas du tout les photographes ou la photo en général. Je connais bien la photographie de notre ami commun Vince Perraud et de toi aussi (Pierre Blondel, ndlr) qui devient très bon (rires)!

Je n’ai vraiment pas d’influences en fait, ça se limite à ma vision du cool: je prends les photos que je trouve cool, les paysages que je trouve cool, les gens que je trouve cool au fil de mes voyages. Que du cool.

Je fais ce qui me plait en fait et je ne m’inspire ni ne copie personne.

PHOTO : MATTHIAS PARTAGE SA VIE ENTRE PARIS & NEW YORK.
PHOTO : SHOOT PAR PIERRE BLONDEL.
PHOTO : PORTRAITS, DOUBLE EXPOSITIONS, TOUT CE QU'ON AIME.

Tes photos sont visibles sur ton second compte Instagram: @TaxeCarbone. Pourquoi avoir créé un second compte et avec quelle visée?

J’ai créé Taxe Carbone il y a deux ans au moment où j’ai acheté mon premier appareil photo argentique. Taxe Carbone c’est un peu un contre-pied, il y a beaucoup de gens qui me disent que je prends trop l’avion et que je “pourris” la planète.
Je sais que c’est le cas mais ce n’est pas comme si je prenais des jets privés, l’avion décolle avec ou sans moi. C’est pour ça que j’ai voulu appelé ce compte Taxe Carbone, c’est un petit clin d’œil à tous les voyages que je fais parce que ces photos sont faites pendant mes voyages, je shoote très peu à Paris ou à New-York. C’est vraiment un journal de voyage avec les paysages qui me plaisent, mes amis et ma copine que je trouve très photogénique.

Justement, parle-nous de tes voyages.

J’ai la chance de voyager depuis que je suis tout jeune! Mes parents m'emmenaient en voyage dès ma naissance. Ils nous ont toujours trimballés aux Antilles avec mes deux soeurs, aux US où on a fait un road trip en van pendant 15 jours en Californie. Ils ne roulaient pas sur l’or mais ils économisaient chaque année pour nous emmener dans un endroit spécial, donc j’ai toujours eu le goût du voyage. Ça a continué avec le BMX.
Le voyage c’est génial parce que ça te sort de ta zone de confort: il va t’arriver des galères, que tu le veuilles ou non parce que ce n’est pas possible un voyage tout planifié, à part si tu pars au Club Med mais bon… je n’ai pas trop envie d’y aller… Donc en fait le voyage m’a fait grandir très rapidement et ça a élargi ma perception du monde.
Je suis devenu quelqu’un de beaucoup plus ouvert sur les autres, sur les autres cultures et je me suis rendu compte très rapidement que chaque humain a quelque chose à apporter. Il faut parler à tout le monde, que ce soit le mec le plus riche dans sa villa ou le clochard avec qui tu vas avoir une interaction dans la rue.
Être ouvert d’esprit et respecter chaque humain également m’a fait vivre les expériences les plus incroyables de ma vie. 

PHOTO : CARNET DE VOYAGES, CARNET DE RENCONTRES.

Le BMX est un passeport vers l’immersion.

Tu voyages en grande partie pour le BMX et tu passes beaucoup de temps à explorer les villes, les quartiers, les banlieues. Qu’est-ce que tu recherches et quels types de spots te donnent envie de t’arrêter pour rouler ou faire des images ?

C’est vrai que le BMX, ou le vélo en général, est le meilleur moyen pour découvrir une ville. Quand tu le fais à pieds c’est cool aussi mais tu ne découvres pas autant que si tu étais à vélo.

Et surtout pendant les trips de BMX, il y a vraiment un but en fait. Ce n’est pas de faire les musées ou d’aller voir les endroits touristiques, c’est vraiment un but d’aller trouver un spot. Une quête de graal qui t’emmène dans les endroits où personne ne va faire du tourisme.

Le BMX est un passeport vers l’immersion : on rencontre des locaux interpellés par le BMX et on échange constamment, tu as une relation directe et sans filtre.

Parlons BMX justement, comment devient on champion du monde de flat huit fois et par la même occasion ambassadeur REDBULL?

Ce sont 2 choses différentes, mais liées.
Je suis rentré chez Red Bull avant mon premier titre de champion du monde parce qu’ils voyaient en moi un potentiel, j’étais jeune et motivé, mais aucun moyen financier.

Mon premier contrat Red Bull était un budget voyage illimité pour aller faire des compétitions dans le monde entier, ou filmer... J’ai pu faire le premier championnat du monde (qui était en 3 étapes -> Allemagne, US, Japon) grâce à ce budget et j’ai gagné cette année là parce que j’avais plus envie que les autres, parce que je m’étais plus entraîné que les autres.

Le sport à haut niveau se joue à des petits détails.

Quel est le cheminement créatif pour passer de l’idée à la réalisation d’une figure?

Beaucoup de mes idées viennent quand je ne suis pas en train de faire du vélo. Surtout en flat ou je fais des figures sur un sol plat où je vais imaginer un mouvement puis me rendre compte une fois sur le vélo que c’est bien trop compliqué.

Souvent je filme mes nouveaux mouvements et si je ne trouve pas ça beau... je le jette à la poubelle.

Il n’est pas question pour moi de faire quelque chose que je trouve moche même si c’est hyper technique et que ça rapporte des points en compétitions.

Il faut que mon ‘riding’ soit le plus esthétique et le plus simple possible pour que ça raconte une histoire aux gens.

PHOTO : ENTRE DEUX COMPÉTITIONS.
PHOTO : PASSERELLE ENTRE SPORT ET ESTHÉTIQUE.

Quels projets as-tu pour les mois à venir ?

J’ai cette série de podcasts que je fais avec RedBull et que je produis avec mon agent (ndlr Guillaume Valladeau ASI Prod). C’est hyper intéressant, on part à la rencontre de sportifs qui sont au top dans leur domaine.
On a fait Scotty James en snowboard, Danny Macaskill en bike, Mike Horn en découverte, Justine Dupont en surf…
On va les interviewer sur des événements ou alors chez eux. Ça s’appelle ‘What Does It Take’ et le concept est de se rendre compte des points communs qu’ont ces athlètes. Je fais ça avec mon ami Pierre Blondel et c’est hyper intéressant.
Je vais aussi me concentrer sur les compétitions à venir, le but est de gagner la coupe du monde cette année. La première manche est le 3 avril à Hiroshima (ndlr: manche annulé suite à la crise sanitaire), après il y aura le FISE à Montpellier et deux autres manches en Chine.
Ce sont mes deux gros projets de cette année : faire cette série de podcasts et de vlogs qui sera disponible à partir du mois de mars, toujours être compétitif sur les championnats du monde et une vidéo qu’on est en train de tourner à New-York avec Christian Rigal pour RedBull.

Pour finir, est-ce que tu as une anecdote de voyage que tu voudrais nous partager ?

On était en Colombie, j’avais 17 ans, avec Raphaël Chiquet on part faire une compétition et on se retrouve à Bogota qui est une ville en deux parties : le nord qui est le quartier très riche, et le sud qui est le quartier très pauvre.
Globalement quand tu es touriste tu ne vas jamais au sud de Bogota parce que c’est potentiellement dangereux.
Nous dormions chez la mère de l’organisateur du contest dans le sud de Bogota. Notre quotidien était rythmé par ses petits déjeuners et nos repérages en vélo dans la ville. Les gens nous regardaient comme des extra-terrestres en mode « vous êtes fous d’être là » et c’est à ce moment là que je me suis senti hyper privilégié de faire ce que je faisais. Globalement cette immersion est significative de ce qui a inspiré beaucoup de mes voyages: expérimenter la “vraie” vie d’un local, une immersion complète, un déracinement, tout ce qu’il y a de plus jouissif dans mes voyages.

Merci Matthias!